Enfin, peut-être.
Ces derniers jours, beaucoup n'ont eu d'yeux que pour le test du prototype SN8 du Starship de SpaceX, le machin qui doit permettre au brave Elon d'aller sur Mars dans une entreprise de colonisation vide de sens.
Mais le même soir, il y eut une autre annonce qui est, je trouve, bien plus intéressante.
Note : cet article est une copie actualisée d'un autre mis simultanément sur les autres blogs.
Comment Hergé imaginait le vol lunaire dans les années 1950. Le pire, c'est qu'en vrai c'est une option qui a été étudiée par la NASA pour Apollo au début.
La grosse annonce dont je veux parler est celle faite par la NASA des dix-huit premiers astronautes désignés officiellement pour participer aux missions du programme Artémis, qui doit ramener ENFIN des Hommes sur la Lune, un demi-siècle après la dernière mission Apollo (Apollo 17 en décembre 1972).
Dans ce groupe, on appréciera la parité : neuf hommes et neuf femmes.
Sans plus attendre, voici les noms (dans l'ordre alphabétique) de ces astronautes dont on ne manquera pas de beaucoup entendre parler dans quelques années :
- Joe Acaba (né en 1967)
- Kayla Barron (née en 1987)
- Raja Chari (né en 1977)
- Matthew Dominick (né en 1981)
- Victor Glover (né en 1976)
- Warren Hoburg (né en 1985)
- Jonathan Kim (né en 1984)
- Christina Koch (née en 1979)
- Kjell Lindgren (né en 1973)
- Nicole Mann (née en 1977)
- Ann McClain (née en 1979)
- Jessica Meir (née en 1977)
- Jasmin Moghbeli (née en 1983)
- Kathleen Rubins (née en 1978)
- Francisco Rubio (né en 1975)
- Scott Tingle (né en 1965)
- Jessica Watkins (né en 1988)
- Stephanie Wilson (née en 1966)
Plus que le fait qu'il y a différents profils parmi ces personnes (des militaires, des pilotes, des scientifiques, des ingénieurs), notons de plus que plusieurs de ces astronautes sont afro-américains et/ou ont des origines non étasuniennes, ce qui est une excellente chose car cela apportera dans l'exploration humaine de notre satellite une diversité plus que bienvenue que l'on avait pas avec le programme Apollo.
A propos de cela d'ailleurs, il est important de remettre ce dernier point dans son époque. Etant donné la crise mémorielle qui génère un peu de revendications légitimes et surtout un immense paquet de conneries, on serait tenté de considérer que le programme Apollo était raciste et sexiste puisqu'aucune femme et aucun Noir n'a volé vers la Lune ou marché sur celle-ci à l'époque. Mais ce serait oublier une chose importante : à l'époque, on choisissait comme astronautes essentiellement des pilotes d'essais, des pilotes de l'armée ou des pilotes civils. Des métiers dans lesquels il y avait alors relativement peu de femmes parce qu'il était considéré qu'elles étaient physiquement inférieures aux hommes et peu de personnes issues des minorités. Donc comme on prenait les meilleurs des meilleurs et qu'il n'y avait que quelques heureux élus parmi les milliers de personnes qui présentaient leur candidature durant les recrutements de la NASA, il n'y a rien d'incohérent à ce qu'aucune femme et aucun Noir n'ait été sélectionné.
C'est ainsi que tous les astronautes des programmes Mercury, Gemini et Apollo étaient des hommes blancs.
Cependant, il faut rappeler que l'agence spatiale a très vite tenté de remédier à ce problème de manque de diversité :
- Dès le début des années 1960, la NASA recruta treize femmes pour constituer un groupe de futures astronautes féminines. Ces "Mercury Thirteen" (en référence au groupe d'hommes, les "Mercury Seven") ne volèrent finalement pas, du fait que cela semblait faire doublon pour pas grand-chose avec les hommes, que la NASA n'en avait pas plus envie que ça de le faire et que l'Histoire s'étant accélérée en 1961 sous l'impulsion du président John Kennedy il allait falloir aller très vite pour atteindre la Lune.
- Dans les années 1960, la NASA tenta deux fois de se doter d'astronautes noirs. Un premier passa la sélection mais ne fut finalement pas retenu. Un second était en lice pour participer à un programme spatial militaire (qui sera finalement annulé avant de commencer) mais il mourut malheureusement dans un accident de la route.
Au final, la NASA remédia cette question à la fin des années 1970 avec de nouvelles sélections. Une première femme étasunienne, Sally Ride (1951-2012), effectua un vol spatial en 1983 et un premier Noir étasunien, Guion Bluford (né en 1942), fit de même la même année. Depuis il y eut une cinquantaine de femmes dans l'espace ainsi qu'une trentaine d'hommes noirs.
Deux pas historiques (au moins) arriveront donc avec les missions Artémis : le premier pas d'une femme et le premier pas d'un Afro-étasunien sur la Lune dans quelques années.
Le fait d'inclure des astronautes étasuniens femmes et d'origines diverses pour les futures missions sur la Lune est une excellente chose, cela s'inscrit dans l'évolution de la société et dans ce qu'elle est aujourd'hui. Sans compter que cela rend, d'une certaine façon, plus "universelle" cette nouvelle étape de l'exploration puisque différentes couleurs, différentes nations, différents profils vont travailler ensemble dans cette noble quête qu'est l'exploration de la Lune. Et ça, c'est beau.
Toutefois, il est nécessaire de remettre quelques peu les choses à leur juste place : pour l'instant, il n'est pas dit que tous ces astronautes-là marcheront bien sur la Lune mais juste que les premiers équipages d'Artémis qui iront vers la Lune seront constitués à partir de ces dix-huit astronautes.
Pour le moment donc, aucun de ces astronautes n'est assigné à une mission précise du programme. Mais ils ont tous une bonne chance de faire partie des heureux élus qui iront fouler le sol lunaire.
Chaque mission Artémis aura quatre membres d'équipage. Or, on remarquera que dix-huit n'est justement pas un multiple de quatre, ce qui semble poser un léger problème arithmétique.
C'est sans doute là qu'intervient un point important : les astronautes non étasuniens. En effet, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a depuis longtemps des partenariats entre les grandes puissances en matière de vols habités et qu'un certain nombre de pays ont ainsi pu avoir des hommes et des femmes dans l'espace en participant à des missions des Etats-Unis et/ou de la Russie, sans maitriser par eux-mêmes l'envoi d'humains. Pour ce qui est de notre bonne vieille France, nous avons par exemple eu dix astronautes de chez nous qui sont allés dans l'espace depuis 1982.
On sait déjà depuis un moment qu'Artémis accueillera des astronautes étrangers, des Canadiens, des Japonais et des Européens. On ne sait pas encore grand-chose mais l'on a connaissance du fait que l'ESA, l'agence spatiale européenne, disposera de trois sièges à destination de la Lune. Donc on a la garantie que trois astronautes européens partiront pour la Lune, au moins pour la survoler ou dans la LOP-G. Le graal est bien évidemment le fait que des astronautes européens aillent carrément fouler le sol lunaire, ce qui arrivera forcément à terme si l'on suit le calendrier actuel du programme lunaire de la NASA.
Dans l'idéal, ce serait bien que nos trois astronautes le fassent. Comme je l'ai dit dans un précédent article, sans doute que nous avons tous notre trio favori que l'on aimerait voir sur la Lune alors je vous remets ci-dessous le mien :
Les trois, ce sera au moins pour le début. Mais sait-on jamais, si le programme Artémis prend une bonne vitesse de croisière et avance comme prévu, il se peut que l'ESA puisse renégocier le contrat avec la NASA et permettre à trois autres astronautes européens d'avoir la chance de partir pour la Lune. Dans ce cas-là, et ce n'est que mon avis, je pense qu'il serait pertinent de donner plus de chances aux pays qui n'auront pas eu l'occasion d'avoir un marcheur lunaire la première fois. Même si la France, l'Italie et l'Allemagne sont les principaux contributeurs de l'ESA, ce serait plus juste que tout le monde puisse en profiter. En tant que Français, je considère que si notre Thomas Pesquet national a l'immense honneur de marcher sur la Lune, il faudra que les autres aient la même opportunité. Surtout que les places ne seront pas nombreuses alors évitons d'être égoïstes (il faudrait vraiment un candidat français particulièrement intéressant pour que l'on se permette de vouloir un second moonwalker de chez nous durant le programme).
Idem pour les Japonais et surtout les Canadiens qui ont déjà deux astronautes (un homme et une femme) directement intégrés au dernier groupe sélectionnés par la NASA en 2017.
Et l'on peut aller encore un peu plus loin puisque la fièvre lunaire ne touche pas uniquement les Etats-Unis. En effet, vous savez probablement que la Chine et la Russie prévoient d'envoyer elles aussi des Hommes sur la Lune à partir de 2030. Cela fera de la science en plus, de nouveaux acteurs dans l'exploration et, pourquoi pas, quand de nouveaux partenariats verront le jour entre les agences, de nouveaux pays (la Turquie, des pays d'Afrique, etc) auront la chance d'avoir eux aussi des astronautes sur la Lune.
Bref, c'est une période absolument passionnante qui va bientôt s'ouvrir et plein de pays vont en faire partie. Qui seront donc les hommes et les femmes qui succèderont aux douze premiers marcheurs lunaires* ? Il n'y a pas encore de certitude mais ce qui est sûr, c'est que dans vingt ans, même les passionnés d'astronautiques et/ou d'Histoire auront peut-être du mal à retenir tous les noms ^^ !
A l'heure actuelle, le premier vol habité du programme Artémis doit être Artémis 2 qui en 2023 enverra quatre astronautes faire un petit tour autour de la Lune, comme ce fut fait en décembre 1968 avec Apollo 8. Viendrait ensuite le premier alunissage du XXIe siècle avec Artémis 3 en 2024.
Par la suite, le programme doit, selon le plan actuel de la NASA, se dérouler comme ceci :
2024 : Artémis 3 (deux astronautes se posent sur la Lune)
2025 : Artémis 4 (deux astronautes se posent sur la Lune)
2026 : Artémis 5 (quatre astronautes se posent sur la Lune)
2027 : Artémis 6 (quatre astronautes se posent sur la Lune)
2028 : Artémis 7 (quatre astronautes se posent sur la Lune + début de l'établissement d'une base)
2029 : Artémis 8 (quatre astronautes se posent sur la Lune + suite de la construction de la base)
2030 : Artémis 9 (quatre astronautes se posent sur la Lune + fin de la construction de la base, logiquement)
Au delà de ça, étant donné le coût du programme et la blasitude qui ne manquera pas de revenir dans le grand public et les politiques, j'ai du mal à croire qu'Artémis puisse aller plus loin. Cependant, étant donné que la planète Mars sera encore loin d'être atteignable par les astronautes dans dix ans, on peut imaginer, rêvons un peu, que quelques missions soient rajoutées à Artémis pour gagner un peu plus d'expérience avant de pouvoir enfin se lancer vers Mars.
Ce qui serait très bien serait qu'on en rajoute trois, histoire de "venger" les annulations stupides d'Apollo 18, Apollo 19 et Apollo 20 en 1970.
Enfin, ça c'est ce qui est prévu pour l'instant et ce n'est pas sûr que ça restera comme ça sous le mandat de Joe Biden. On verra bien comment cela va évoluer.
Je pense avoir dit tout ce que j'avais à dire sur ce sujet. J'ai déjà parlé sur le blog plusieurs fois du programme Apollo alors je vous relaisse les liens des articles en question :
La prochaine fois que je ferai une digression lunaire sur le blog, ce sera très probablement pour le cinquantième anniversaire d'Apollo 14, en février prochain.
Sources :
Robert Z. Pearlman, NASA reveals 'Artemis Team' astronauts, includes first woman, next man on the Moon, article publié le 9.12.2020 sur le site space.com.
Brice Louvet, Artémis : deux de ces astronautes seront les prochains à marcher sur la Lune, article publié le 11.12.2020 sur le site sciencepost.fr
Nathalie Mayer, Voici les dix-huit astronautes du programme Artémis : "les héros qui nous porteront sur la Lune et au-delà", article publié le 10.12.2020 sur le site futura-sciences.com
* Ca ne fait jamais de mal alors je remets tous les noms :
- Neil Armstrong (1930-2012), Apollo 11 (juillet 1969)
- Edwin Aldrin (né en 1930), Apollo 11 (juillet 1969)
- Charles Conrad (1930-1999), Apollo 12 (novembre 1969)
- Alan Bean (1932-2018), Apollo 12 (novembre 1969)
- Alan Shepard (1923-1998), Apollo 14 (janvier-février 1971)
- Edgar Mitchell (1930-2016), Apollo 14 (janvier-février 1971)
- David Scott (né en 1932), Apollo 15 (juillet-août 1971)
- James Irwin (1930-1991), Apollo 15 (juillet-août 1971)
- John Young (1930-2018), Apollo 16 (avril 1972)
- Charles Duke (né en 1935), Apollo 16 (avril 1972)
- Eugene Cernan (1934-2017), Apollo 17 (décembre 1972)
- Harrison Schmitt (né en 1935), Apollo 17 (décembre 1972)
James Lovell et Fred Haise devaient marcher sur la Lune avec Apollo 13 mais l'accident les en empêcha. Plusieurs autres devaient le faire avec Apollo 18, 19 et 20 mais ces missions furent malheureusement annulées.
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