Anniversaire planétaire #2 : 23 septembre 1846, la découverte de Neptune

Voici tout juste 172 ans aujourd'hui, le 23 septembre 1846, les calculs d'Urbain Le Verrier et l'observation de Johann Galle dévoilèrent la huitième planète du Système solaire. 

L'histoire de la découverte de Neptune est une des plus belles et passionnantes de l'étude des planètes. 


Replaçons rapidement le contexte : les cinq premières planètes du Système solaire que sont Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne sont visibles à l’œil nu et furent donc observées dès les premiers temps où des Hommes ont levé les yeux vers le ciel nocturne. 

Le géocentrisme laissa sa place à l'héliocentrisme au XVIIe siècle mais malgré l'apparition des premiers instruments comme la lunette astronomique, les astronomes de cette époque (comme Galilée ou Jean-Dominique Cassini) ne découvrirent pas de nouvelle planète. Ce n'est que beaucoup plus tard, à la fin du siècle suivant, qu'une telle découverte arriva enfin. 

En effet, depuis le jardin de sa maison de Bath (en Angleterre) et avec un télescope de sa fabrication, le musicien et astronome William Herschel (1738-1822) découvrit un nouvel astre le 13 mars 1781. Si l'objet fut d'abord pensé pour être une comète, une observation approfondie révéla sa véritable nature : il s'agit d'une nouvelle planète, la septième du Système solaire. Cette découverte est très importante puisqu'elle est la première du genre depuis l'Antiquité. Herschel acquit alors une grande notoriété parmi les astronomes et fut admis à la Royal Society comme astronome du roi, recevant de plus une pension annuelle de 200 livres. Herschel voulut nommer l'astre Georgium sidus en l'honneur roi d'Angleterre George III tandis que d'autres préférèrent la nommer Herschel mais on retiendra surtout par la suite le nom d'Uranus

Uranus est quatre fois plus grande que la Terre, se situe à environ 19 unités astronomiques du Soleil et accomplit un tour autour de celui-ci en environ 84 ans. Le Système solaire s'enrichit d'un nouvel élément important et devient deux fois plus grand pour les astronomes de cette fin du XVIIIe siècle. Herschel devint quant à lui l'un des plus éminents astronomes de son temps. 

L'on constata cependant peu à peu que quelque chose clochait avec cette nouvelle planète. En effet, l'étude de l'orbite d'Uranus révéla assez vite qu'elle montrait des irrégularités encombrantes. Grâce aux lois découvertes par Isaac Newton (1674-1727), on peut calculer les trajectoires des objets dans l'espace. Or, Uranus agit d'une manière aussi étrange qu'inattendue : à certains moments de sa révolution autour du Soleil, la planète est en avance sur la position prédite par les astronomes, tandis qu'à d'autres elle semble en retard. 

Cela fut pendant plusieurs décennies un caillou dans le soulier de la mécanique newtonienne. Si le Système solaire s'enrichit durant cette période de quatre nouvelles petites planètes situées entre Mars et Jupiter, Cérès (1801), Pallas (1802), Junon (1804) et Vesta (1807), les irrégularités du mouvement d'Uranus gardèrent leur mystère. 

Cependant, les lois de Newton offraient une solution que l'on commença à envisager dans les années 1820 : Uranus pourrait être perturbée par la présence d'une autre planète plus lointaine. Plusieurs astronomes français rejoignirent cette hypothèse, comme Alexis Bouvard (1767-1843) ou François Arago (1786-1853). Ce dernier fit entrer en scène un protagoniste majeur de cette affaire : Urbain Le Verrier (1811-1877). 


Issu d'une famille de la petite bourgeoisie normande de Saint-Lô, Urbain Le Verrier est passé dans les années 1830 par l'Ecole polytechnique où il étudia puis enseigna la chimie et l'astronomie. Suivant le conseil d'Arago de se pencher sur le problème des mouvements irréguliers d'Uranus, Le Verrier commença par se plonger dans les tables de mouvements des planètes de Bouvard qu'il corrigea et actualisa. Le jeune astronome parvient en 1845 à établir à son tour qu'une autre planète perturbait Uranus, comme il l'écrivit lui-même à cette époque : 

"J'ai démontré qu'il y a une incompatibilité formelle entre les observations d'Uranus et l'hypothèse que cette planète ne serait soumise qu'aux actions du Soleil et des autres planètes agissant conformément au principe de la gravitation universelle. On ne parviendra jamais, dans cette hypothèse, à représenter les mouvements observés."

Son modèle s'élabora peu à peu. En partant des irrégularités constatées, Le Verrier se mit à calculer la position de la planète qui cause ce phénomène sur Uranus. Après une longue période durant laquelle l'astronome s'adonna à cette tâche, il parvint finalement à une conclusion qu'il annonça le 31 août 1846 à l'Académie des Sciences : Uranus est bien perturbée par une nouvelle planète et celle-ci doit se trouver actuellement dans la constellation du Capricorne. Cependant, c'est un certain scepticisme qu'il reçut en retour des autres savants. Au bout d'une quinzaine de jours, Le Verrier se tourna vers l'observatoire de Berlin et envoya une lettre au docteur Johann Gottfried Galle (1812-1910) qui possédait une excellente carte de cette constellation et lui demanda de chercher un nouvel objet proche de l'écliptique dans cette région du ciel. 


Galle reçut la lettre de Le Verrier le 23 septembre et observa le ciel étoilé le soir même. Il découvrit alors un point lumineux qui n'apparaissait pas sur ses cartes et se trouvait très proche (moins d'un degré) de l'endroit indiqué par Le Verrier. Le lendemain, lorsqu'il ré-observa cette portion du ciel nocturne, Galle constata enfin que l'objet avait légèrement bougé : il s'agissait bien de la planète prédite par les calculs de Le Verrier. 

Neptune est la quatrième et dernière des planètes géantes du Système solaire et est alors la planète connue la plus éloignée du Soleil. Elle est aussi à cette date la 13e planète puisque à cette époque les cinq premiers astéroïdes que sont Cérès, Pallas, Junon, Vesta et Astrée (découverte en 1845) sont encore considérés comme des planètes. Ce n'est que quelques années plus tard que ces objets et la dizaine d'autres découverts seront distingués clairement des planètes, dont le nombre redescend alors à huit. 

La découverte d'une planète par le simple calcul mathématique fait grand bruit en France et dans le monde. François Arago eut cette phrase célèbre : "Monsieur Le Verrier vit le nouvel astre au bout de sa plume." Il proposa de plus de nommer la nouvelle planète du nom de Le Verrier mais l'on se mit d'accord pour la baptiser plus modestement Neptune. 



Caricature de presse figurant Le Verrier plaçant dans le ciel son calcul indiquant la position de la nouvelle planète, été 1846.

La renommée de la découverte de Le Verrier et Galle amena naturellement à un certain nombre de contestations. La première d'entre elles fut que Le Verrier avait basé une partie de son calcul sur la célèbre mais fausse loi de Titius-Bode. Neptune avait ainsi été imaginée par Le Verrier comme accomplissant une révolution autour du Soleil en 217 ans à une distance de 36 unités astronomiques et étant de plus nettement plus massive que l'astre découvert. Or, Neptune ne gravite en réalité qu'à 30 unités astronomiques du Soleil et n'en accomplit un tour qu'en 164 années terrestres. Cependant, pour autant que la loi de Titius-Bode soit fausse, cela ne change rien car si l'on ramène Neptune à sa bonne distance, sa bonne période et sa bonne masse estimée à l'époque, on retombe exactement sur les irrégularités d'Uranus. Neptune est donc bien la planète perturbatrice que l'on cherchait et il n'en restait que de légères approximations. 

Une autre contestation plus connue fut surtout celle qui agita l'autre coté de l'Atlantique. En effet, un an auparavant, le jeune John Couch Adams (1819-1892) réalisa une série de calculs sur le même problème et parvint lui aussi à des résultats similaires bien que plus imprécis. Il envoya ceux-ci au directeur de l'observatoire de Greenwich... qui ne procéda à aucune observation pour vérifier le travail d'Adams. Dès lors, une fois la planète découverte, les anglais estimèrent que l'antériorité leur était favorable. Mais en l'absence d'observations publiées, ce sont bien Le Verrier et Galle qui restent les découvreurs de la planète Neptune, même si on y ajouta aussi souvent Adams comme co-découvreur. 


Une planète fut ainsi découverte par le calcul avant d’être observée par les astronomes. S'il y eut de nombreuses tentatives pour réitérer l'exploit de 1846, aucune nouvelle planète ne fut mise au jour. En attendant de voir si la planète 9 sera l'exception, Neptune reste un cas unique parmi les planètes du Système solaire. 


Sources : Camille Flammarion, l'Astronomie Populaire, 1879.

                Encyclopédie en ligne Larousse.
                Qui a découvert Pluton ? dans l'émission d'Europe 1 Au cœur de l'Histoire, 2014. 

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